vendredi 6 janvier 2012

Kim Jong-Il, Leader Malgré lui ?

Il est assez facile de comprendre les motivations des dictateurs, mais qu’en-est-il des « fils de » ? Le destin de Kim Jong-Il peut, nous éclairer sur la question et offrir des pistes de réflexion pour le jeune Kim Jong-Eun.


Dépasser le père


Kim Jong Il est né avec un défaut, celui d’être fils de dictateur. Dès son plus jeune âge déjà, il réglera ses pas sur les pas de son père en noyant de ses mains son frère.

Ce double fardeau pour le jeune Kim ne l’empêche pas de faire des études brillantes à l’université de Pyongyang. Ce fils grandit dans les conditions contraignantes de la popularité de son père, Kim Il-sung, dont l’humble surnom était « président de l’humanité toute entière » . Ce qui, avouons-le, ne permettra pas au jeune Kim Jong-Il de grandir dans une famille normale comme ses jeunes camarades.
À la mort de son père, comme dans le show biz, pour « les fils de », Kim doit se faire un nom et ce nom sera « notre cher leader ». A l’instar d’un Guillaume Depardieu ou d’un Anthony Delon qui renient le père constamment, Kim fait le pari de suivre son père tout en imprimant sa marque. Alors que l’appellation « président de l’humanité toute entière » définit le père de Kim en tant que simple employé de la fonction publique, le « notre cher leader » de Kim Jong-il joue sur l’affect, le sentimentalisme et le nationalisme. On peut observer que le père s’ancre clairement sur une position internationaliste dominante tandis que le fils joue sur une double position : le sentiment et l’art. Dès lors, il serait intéressant de comprendre et de chercher du côté des relations père-fils pour analyser finement la politique menée jusqu’à aujourd’hui dans ce pays.

Kim Jong-il : un dictateur qui ose tout


A l’image de la carrière du père, Kim est loin d’être un dictateur qui a échoué. Argent, peuple soumis, alcool, mets raffinés, train personnel, le dernier dictateur nord coréen se permet même de se lancer en tant que réalisateur et producteur de films. Staline, Hitler, Mussolini nous ont-ils gratifié le monde d’une de leurs œuvres ? Jamais, si ce n’est quelques aquarelles rangées dans un placard.
Même Mao, étalon de référence des dictateurs asiatiques n’a osé franchir le pas. Allons-nous trop loin en nous demandant : et si la dictature de Kim Jong-Il était, elle aussi, une œuvre foutraque peuplée de références œdipiennes au père, au cinéma de genre et à la nostalgie du soviétisme ? Une œuvre unique à ciel ouvert, animée, vivante, collaborative et contraignante pour tous.

Bilan positif du mandat de Kim-Jong-Il


Mais n’allons pas trop loin dans notre questionnement presque philosophique sur : « est-ce qu’une dictature peut être une œuvre d’art ? » et revenons à nos moutons coréens et notamment au mandat de 17 ans de Kim Jong-Il. Au même titre que Georges Bush a ouvert la voie aux minorités en laissant apparaître sur l’échiquier politique Colin Powel, Condoleezza Rice ou encore Alberto Gonzales, que peut-on retenir des années Kim Jong-Il ? Tout d’abord une détente entre les relations nord-sud, une ouverture au tourisme élitiste avec possibilité pour les occidentaux de pouvoir voyager dans le pays en bonne compagnie des camarades du parti sans se faire importuner par les mendiants et surtout une ouverture économique et diplomatique. Cela semble des pas de fourmi pour les occidentaux que nous sommes, mais ce genre d’ouverture dans un pays aussi fermé que la Corée du Nord représente des pas de géant que seul le « président de l’humanité toute entière » ou qu’un « cher leader » pouvait réaliser.


L’avenir de Kim Jong-Eun : je règle mes pas sur les pas de mon père.

Comme feu son père, Kim Jong-Eun ou « Kim Junior » doit faire face aux problèmes que son père fit face à son époque : comment s’imposer lorsqu’on est un « fils et un petit fils de » ? La succession de Kim Jong-Eun sera aussi difficile que l’a été celle de son père , qui était lui aussi inexpérimentée et critiqué par les vieux généraux du parti. Effectivement !Les ennemis du père et du fils ne sont pas vraiment les américains ou les japonais mais bien ces vieux généraux communistes aux dents longues qui voient bien que dans le système nord-coréen : l’ascenseur social est bloqué. Et ce n’est pas l’arrivée d’un « Kim Junior » ayant étudié à l’étranger et porté par la jeune garde (d’autre « fils de ») qui peut les rassurer.

Que se passera-t-il après les 3 années de deuil imposé ? Kim Jong-Eun arrivera-t-il à imposer son nouveau blase pour dépasser la figure d’un père polyvalent, artiste et dictateur, ou restera-t-il qu’un simple vice président de la commission militaire centrale du parti ?
Le plus grand échec de Kim Jong-Il n’était donc pas de ne pas avoir vaincu les américains ou les japonais mais de ne pas avoir su, comme Mao, insuffler une révolution interne dans son pays pour supprimer ces vieux généraux qui ne lui ont jamais confiance et qui se vengeront sur son fils.

Au final, être un dictateur ou un fils de dictateur ne consisterait-il pas à instaurer la révolution militaire, économique et artistique permanente ?

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